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Assemblée nationale
Compte rendu intégral

Première séance du mardi 14 septembre 2010

 

Réforme des retraites



M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.

M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le ministre, la réponse que vous avez faite à Jean-Marc Ayrault est caricaturale. Dire que seule la France a des métiers pénibles, ce n’est pas digne, ce n’est pas du niveau d’un ministre. Tout le monde sait qu’il y a des métiers pénibles dans tous les pays. Mais l’honneur de notre pays, c’est justement d’avoir tenu compte des métiers pénibles.

M. Éric Woerth, ministre du travail. C’est exactement ce que nous faisons !

M. Jean-Paul Bacquet. C’est d’avoir fait en sorte jusqu’à présent que l’on n’use pas un travailleur jusqu’au bout. C’est bien là tout le problème : vous êtes caricatural.

Je voudrais évoquer un sujet que je connais un peu, comme vous d’ailleurs, monsieur le président.

M. Dominique Dord. Clermont-Ferrand ?

M. Jean-Paul Bacquet. Non, justement, je ne vais pas parler de Clermont-Ferrand, monsieur Dord.

M. Dominique Dord. Ça change tout !

M. Jean-Paul Bacquet. Je vais essayer de vous dire la différence entre la pénibilité, l’invalidité et même l’inaptitude. C’est un point fondamental.

Pour qu’il y ait rente d’accident de travail ou de maladie professionnelle, il faut d’abord qu’il y ait un accident ou une maladie. On soigne, on « répare » celui qui est atteint, et après, soit il y a restitution ad integrum et les choses s’arrêtent là, soit il y a séquelles et on indemnise par une rente. On intervient donc après l’accident ou l’incident de santé.

La pénibilité, ce n’est pas cela. Elle exige qu’on intervienne en amont par rapport au risque qui est encouru par celui qui travaille, en fonction de ses conditions de travail et des risques auxquels il est exposé.

Mme Michèle Delaunay. Exactement !

M. Jean-Paul Bacquet. On n’attend pas qu’il soit atteint ou détruit pour l’indemniser : on compense le handicap potentiel par rapport au risque. C’est totalement différent.

Sur l’inaptitude, je ne comprends pas le silence du Gouvernement. Aujourd’hui, le travailleur en situation d’inaptitude bénéficie automatiquement de la retraite à 60 ans à taux plein, quel que soit le nombre d’années travaillées.

M. Michel Issindou. Eh oui !

M. Jean-Paul Bacquet. Avec votre projet, cette disposition disparaît.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Mais non !

M. Jean-Paul Bacquet. Je ne comprends pas. J’ai cru comprendre que l’on aurait un taux de 20 %, de 10 % maintenant, qui serait fixé par une commission Théodule. Va-t-on réinventer les COTOREP ?

Monsieur le ministre, qui fixe actuellement les taux d’invalidité ? Qui fixe l’inaptitude ? Ce sont les médecins-conseil de la sécurité sociale, et vous connaissez les contestations et les voies de recours qui existent.

M. Dominique Dord. Il y a toujours des contestations !

M. Jean-Paul Bacquet. Les taux d’invalidité ne sont pas toujours définitifs, les pensions non plus, elles peuvent être rachetées et quand elles sont rachetées, on perd ses droits. Sur quels critères allez-vous vous fonder après le départ à la retraite anticipée ?

Un travailleur de l’amiante qui n’a pas de lésion à 60 ans n’aura pas droit à la retraite, mais il peut décéder à 62 ans d’un mésothéliome, sans avoir bénéficié de la retraite à 60 ans parce que considéré comme n’ayant rien.

M. Alain Néri. Et voilà !

M. Jean-Paul Bacquet. C’est inacceptable et contradictoire.

D’un côté, il y a la compensation d’un risque, de l’autre l’indemnisation en fonction d’une pathologie. C’est très différent.

M. Michel Vergnier. Tout à fait !

M. Jean-Paul Bacquet. C’est un point fondamental qui nous sépare, et je voudrais, monsieur le ministre, que vous en preniez conscience, comme je voudrais que vous preniez conscience que d’autres avant nous ont fait la différence entre l’invalidité et le risque compensé : Lionel Stoléru en 1975 à propos du travail posté, Martine Aubry en 2000. Vous l’avez totalement oublié.

Nous avons donc raison de vouloir ajouter, à la première phrase de l’alinéa 2 de l’article 25, les mots : « liées à des contraintes physiques marquées, à un environnement agressif ou à certains rythmes du travail », car ce sont bien cet environnement agressif, ces rythmes de travail, ces contraintes physiques qui représentent le risque que l’on doit compenser. On ne doit pas attendre que les lésions et la pathologie apparaissent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)



(...)



M. Jean-Paul Bacquet. Notre collègue Michèle Delaunay mentionnait les professions qui n’étaient pas couvertes par la médecine du travail.

Lors du transfert des personnels TOS aux régions, nous avons découvert qu’ils ne bénéficiaient pas de la médecine du travail. Les régions progressistes, puisqu’elles étaient presque toutes à gauche, ont mis en place une médecine du travail et ont donc pris en charge la médecine du travail. C’était non seulement un transfert non compensé, mais en plus une anomalie grave.

En ce qui concerne la médecine du travail, nous avons tout à l’heure fait référence à une entreprise importante de Clermont-Ferrand. Dans cette entreprise, lorsque quelqu’un veut embaucher, il doit passer une visite de pré-embauche à la médecine du travail. Et si, lors de cette visite, il apparaît qu’il a, par exemple, une cicatrice de hernie discale, il ne sera pas embauché.

Cela veut dire que le médecin du travail mesure, par rapport à la pénibilité du travail qui va être effectué, s’il y a un risque pour celui qui pourrait être embauché – risque d’accentuation de sa pathologie, risque d’arrêt de travail répété, risque d’invalidité. Et que, pour ne pas prendre ce risque, on ne l’embauche pas.

La pénibilité considérée comme un risque est donc déjà reconnue par la médecine du travail. Vous comprenez bien qu’il serait absurde d’attendre que la pathologie survienne, avec ses conséquences, pour l’indemniser à 10 %. C’est la prise de conscience du risque qui mérite compensation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 524 n’est pas adopté.)





(...)

Deuxième séance du mardi 14 septembre 2010



Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.

M. Jean-Paul Bacquet. Je voudrais vous dire mon étonnement d’entendre que depuis le début de la discussion sur l’article 25, il y a une confusion régulière entre pénibilité, invalidité et inaptitude. Je m’en étonne d’autant plus que dans le rapport 2770, tome I, du député Denis Jacquat et portant sur la réforme des retraites, à la page 393, on trouve la définition de l’invalidité et de l’inaptitude.

Je crois surtout qu’il y a une différence philosophique entre votre conception de la pénibilité et la nôtre.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Excellente lecture !

M. Jean-Paul Bacquet. Je l’ai dit tout à l’heure, pour nous, la pénibilité recouvre les conditions qui vont créer une pathologie. C’est-à-dire que celui qui, par son travail, est exposé à une pathologie potentielle, aura une compensation par un accès plus tôt à la retraite. Alors que dans l’invalidité, on attend que la pathologie soit déclarée pour l’indemniser.

Il y a d’un côté l’indemnisation d’un handicap, et de l’autre la compensation par un avantage en matière de retraite pour une pathologie potentielle due à l’exposition à un risque.

Je voudrais revenir sur l’intervention de notre collègue Gaymard. Il a évoqué les travailleurs forestiers qui étaient souvent contractuels de droit privé, et vous avez bien raison de le préciser, monsieur le rapporteur, car cet exemple démontre pourquoi il ne faut pas voter votre réforme. En effet, les travailleurs forestiers sous contrat de droit privé sont licenciés à cinquante ou cinquante-deux ans parce qu’ils sont usés. Or, ils sont licenciés parce que l’on a constaté chez eux une inaptitude au travail. Qui a constaté cette inaptitude ? Le médecin du travail. Mais il n’a pas constaté une invalidité. L’invalidité, c’est le médecin de la sécurité sociale qui peut la constater. Pour obtenir une pension d’invalidité, il faut avoir une incapacité de travail supérieure aux deux tiers. Heureusement, le médecin du travail compétent sort du travail celui qui n’y est plus apte, avant qu’il ne soit invalide. Et que fait-on alors de ce travailleur ? Normalement, il y a obligation de le reclasser. Mais quand il n’y a pas de possibilité de le reclasser, on le licencie.

Cela veut dire que le travailleur que citait M. Gaymard va être licencié à cinquante ou cinquante-deux ans parce qu’il est inapte et qu’on ne peut pas le reclasser. Et grâce à votre réforme, il sera encore plus longtemps au chômage, car il ne pourra pas bénéficier d’une retraite à soixante ans. M. Gaymard avait raison, il ne faut pas voter votre réforme !

Il avait d’autant plus raison que dans le cas où ce travailleur forestier aurait été placé en invalidité de deuxième catégorie, avec une incapacité de travail supérieure aux deux tiers, il aurait droit aujourd’hui à la retraite à soixante ans au titre de l’inaptitude, et demain, avec votre réforme, il n’y aura plus droit.

Monsieur le ministre, il est évident que nous avons deux philosophies différentes de la pénibilité. Dans la nôtre, il convient d’apporter un avantage en matière de retraite pour celui qui est exposé à un risque, et dans la vôtre, il faut attendre que la pathologie soit en cours, quelquefois beaucoup trop tard, pour l’indemniser. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

 

 

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